Les sanctions en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle selon le droit cambodgien


Le choix de ce sujet est basé sur un constat pragmatique selon lequel des milliers de contrats sont signés tous les jours pour des besoins professionnels ou personnels. Il est fort possible qu’un débiteur ne puisse correctement ou ne veuille honorer ses engagements. Que peut-faire alors un créancier déçu ou insatisfait ? Un bon pratiquant bouddhiste se dit que c’est à cause de mon mauvais karma ! Si ce propos paraît caricatural, les enjeux juridiques ne sont pas à négliger.

 

Cet article peut être utile pour les étudiants en droit, les avocats, les magistrats, mais aussi pour les personnes qui veulent investir au Cambodge.   

 

En matière civile, l’ancien droit[1], à l’exception des dispositions relatives à l’état civil des personnes, fut encore appliqué au Cambodge jusqu’en 1920[2]. Ce droit ancien s’est peu à peu effacé du paysage législatif khmer au profit d’une certaine modernisation à la française, modernisation qui n’est rien le fruit de hasard, celle-ci étant longuement réfléchie par les autorités françaises. Cinq commissions successives étant ainsi nommées[3]. Marcel CLAIRON écrivait que « le Code civil, actuellement en vigueur, promulgué par Sa Majesté SISOWATH, le 20 février 1920, garde fort peu de dispositions des anciens codes khmers ; il s’inspire étroitement du Code civil français […] »[4]. Or, ladite modernisation ne rimait pas forcément avec l’accessibilité du droit, la compréhension du droit par le peuple. Sans parler de la complexité et de la technicité du droit, le Code civil a été uniquement rédigé en langue française, laquelle n’était en effet comprise que par quelques élites cambodgiennes. Ainsi, selon Sok KHIN, « l’histoire de l’enseignement français au Cambodge n’est pas aussi ancienne que celle de l’occupation française dans ce pays »[5]. Le nombre des écoles où le français était enseigné aux jeunes Cambodgiens était très réduit[6]. Par ailleurs, depuis des siècles, les familles khmères avaient l’habitude d’envoyer leurs garçons à la pagode. Il s’agissait des stages de quelques mois, voire années pour apprendre à lire, écrire et commenter les textes religieux écrits en pali ou didactique en langue cambodgienne[7]. Ces écoles de pagode continuaient à exister même après l’instauration du protectorat français en 1863, comme le témoigne l’adoption du premier décret par le roi Sisowath en 1906 portant la scolarité obligatoire des garçons âgés d’au moins huit ans au sein des écoles de pagode[8].

 

Le Code civil ancien a fait l’objet d’une traduction en langue cambodgienne par ENG Soth en 1967 quand la langue française n’était plus enseignée dans les écoles[9]. Il s’agissait d’une traduction accompagnée par les actualisations des textes adoptés après 1920. Ce Code s’appliquait jusqu’à la prise du pouvoir par le régime des Khmers rouges (1975-1979). Il a fallu attendre le 28 octobre 1988 pour que le fameux décret-loi n°38 portant sur « les contrats et les responsabilités extracontractuelles » soit adopté. Ce texte comportait seulement 130 articles, dont 120 étant consacrés aux contrats. Mais aucune disposition n’a été consacrée à l’inexécution d’une obligation.

 

Avec les aides financières et techniques du Japon, le Parlement cambodgien a adopté un nouveau Code civil en décembre 2007, mais il n’est entré en vigueur qu’en décembre 2011. Comportant 1305 articles, le nouveau Code civil est inspiré du Code civil japonais, influencé lui-même par le droit romano-germanique[10]. Ce Code civil qui se veut moderne laisse place au droit coutumier et répondrait aux besoins locaux[11]. Il est assez complet, traitant des personnes, de la famille, des droits réels, des obligations, des contrats spéciaux, des responsabilités extracontractuelles et des garanties des obligations. Mais il est regrettable que le contenu de chaque article ne soit pas toujours limpide à cause, probablement, des difficultés de traduction en langue cambodgienne et de la complexité des termes juridiques utilisés.

 

En vertu de l’article 309, le contrat – acte juridique conventionnel – est une source d’obligations. L’article 308 définit l’obligation comme étant un rapport juridique liant deux personnes. Mais il est plus exact de dire « deux ou plusieurs personnes ». Le contrat valablement formé devient la loi des parties, c'est-à-dire que ces dernières doivent le respecter et exécuter avec bonne foi et loyauté[12]. En vertu de l’article 389, il y a inexécution :

-        lorsque le débiteur a tardivement exécuté son obligation[13] ;

-        lorsque le débiteur a partiellement exécuté son obligation ;

-        lorsque le débiteur était dans l’impossibilité d’exécuter une obligation [14] ; Par exemple, il y a l’impossibilité en cas de perte de la chose de genre faisant l’objet de l’obligation[15]. Si la perte de la chose de genre est imputable au débiteur, ce dernier n’est pas libéré. Il ne pourra certes pas être contraint à une exécution en nature, mais devra exécuter son obligation par équivalent ou dédommager son créancier[16]. Selon l’article 392, l’impossibilité peut aussi résulter d’une situation sociale ou économique. Un groupe de travail japonais commente cet article en expliquant qu’il y a l’impossibilité d’exécuter lorsque l’exécution par le débiteur devient trop onéreuse[17]. Si tel était l’esprit de cet article, l’expression « impossibilité d’exécuter » serait improprement utilisée, car il s’agit plutôt d’une difficulté d’exécuter. La difficulté d’exécuter n’est pas une exécution impossible ; l’obligation aurait pu être matériellement exécutée, mais simplement les conditions d’exécution seraient plus difficiles ou plus coûteuses[18]. L’admission de la difficulté d’exécuter pour cause économique comme étant l’impossibilité désavantage le créancier, car l’article 415 prévoit que si l’impossibilité d’exécuter n’est pas imputable au débiteur, son obligation est éteinte. Ce qui veut dire que les parties sont libérées de leurs obligations. Dans cette hypothèse, il est inutile de recourir aux différents remèdes à l’inexécution que nous allons étudier infra ;

-        en cas de violation de touts devoirs émanant d’un contrat[19].  

 

 

L’inexécution d’une obligation imputable au débiteur entraînera d’éventuelles sanctions unilatéralement mises en œuvre par le créancier ou prononcées par un juge à la demande de ce dernier[20]. Le terme « sanction » ne désigne pas ici des punitions pénales, des peines infligées. Il vise plutôt toute mesure prise consécutivement à l’inexécution d’obligations pour satisfaire le créancier déçu. Le Code civil cambodgien, comme le droit anglo-saxon, préfère le terme « remède វិធីសង្រ្គោះ »[21]. L’utilisation de ce terme suppose la mise en œuvre de certains dispositifs en vue de sauver ou de préserver le contrat. Or, nous allons voir infra que l’inexécution d’une obligation pourra entraîner la rupture du contrat, ce mécanisme étant contraire à l’idée du remède. En cas d’inexécution d’une obligation, la sanction est plurielle. Mais, il n’existe aucune hiérarchie entre les diverses sanctions. Le créancier dispose d’un libre-choix. Certaines sanctions incitent à l’exécution de l’obligation due (I), tandis que d’autres ne tendent pas à l’exécution d’une obligation (II). Il convient de noter que l’article 385, 2) précise que le créancier ne pourra demander l’exécution d’une obligation par voie judiciaire si les contractants avaient écarté cette possibilité dans le contrat.

I - Les sanctions incitant à l’exécution d’une obligation en droit cambodgien

Le Code civil permet au créancier de contraindre son débiteur à s’exécuter afin d’obtenir l’exécution (A). Les techniques contractuelles permettent également aux contractants de prévoit un moyen coercitif pour inciter le débiteur à s’exécuter : clause pénale (B).

A - L’exécution forcée en nature d’une obligation

Le contrat valablement formé tient lieu de loi à ceux qui l’ont fait. Il devient obligatoire pour les contractants. Ces derniers devant le respecter et s’exécuter dans les termes prévus. Il est donc naturel que chaque partie bénéficie d’un droit d’exiger son application. Le Code civil prévoit l’exécution forcée en nature comme sanction répondant à l’inexécution d’une obligation contractuelle. L’exécution forcée n’est pas définie par le Code civil, mais l’expression parle d’elle-même. Lorsque le débiteur n’exécute pas spontanément ou volontairement son obligation, le créancier a en principe le droit de demander l’obtention d’une exécution forcée en nature par voie judiciaire [22], sauf si les parties avaient déjà convenu autrement[23]. L’exécution forcée devrait être la première sanction à mettre en œuvre, car elle est la plus fidèle du principe de la force obligatoire du contrat. Un contrat est conclu pour être exécuté, sauf si l’exécution est impossible.

 

Il est important de souligner que pour qu’il y ait exécution forcée, l’inexécution doit être réelle. En effet, le risque d’inexécution ne permet pas au créancier d’ouvrir une voie d’exécution forcée. En revanche, le risque d’inexécution permet, selon les dispositions de l’article 387, à l’une des parties de refuser de s’exécuter dès lors qu’il y a une crainte manifeste que l’autre partie « n’aille pas exécuter son obligation conformément à son contenu ». À cet égard, nous pouvons soutenir que le risque peut porter sur une inexécution totale ou partielle, sans condition de gravité[24]. Ce refus d’exécuter s’effectue bien sûr aux risques et périls de son auteur. Afin de limiter l’abus du droit, le risque d’inexécution doit être apprécié objectivement. Si le refus d’exécuter est autorisé en cas de risque manifeste d’inexécution par l’autre partie, il est étonnant que le Code civil ne semble pas envisager l’hypothèse de l’inexécution proprement dite. Concrètement, l’inexécution effective d’une obligation par un contractant permet-elle à l’autre de ne pas exécuter la sienne ? Sur le plan de la présentation, on peut observer aussi que le législateur n’a pas voulu présenter le refus d’exécuter pour risque d’inexécution comme étant l’un des remèdes ou l’une des sanctions d’inexécution (chapitre 4 du Code civil), en l’édictant sous le chapitre 3 consacré à l’exécution du contrat.

 

Revenons à l’exécution forcée, dès lors qu’elle est possible, le créancier n’a aucune obligation de recourir à d’autres solutions, telles que les dommages et intérêts. Sur ce point, la solution du Code civil cambodgien est différente de celle prévue en common law qui n’admet l’exécution forcée que si les dommages et intérêts ne constituent pas une solution adéquate[25]. La question peut également se poser autrement. Face à une inexécution d’une obligation par son débiteur, le créancier agit en justice afin d’obtenir les dommages et intérêts. Le juge peut-il refuser cette demande au profit de l’exécution en nature proposée par le débiteur ? Autrement dit, si le créancier a le droit d’obtenir l’exécution en nature, a-t-il en revanche le devoir de la recueillir ?[26] Privilégier l’exécution forcée en nature ne serait que de respecter le principe moral de la parole donnée.

 

L’objet de l’exécution forcée en nature est une obligation. L’article 396 prévoit que toutes les obligations ne peuvent faire l’objet d’une exécution forcée en nature. Il est regrettable qu’il ne précise pas quelles sont les obligations ne pouvant être exécutées de force. On distingue trois types d’obligations : donner, faire et ne pas faire. Selon les annotations explicatives du groupe de travail japonais[27], lorsque l’exécution forcée en nature porte sur une obligation de donner, rien ne fait a priori obstacle à une telle demande. Rappelons que l’obligation de donner est celle de transférer la propriété[28] et de remettre une chose à son bénéficiaire. L’objet d’une obligation de donner est donc une chose. Il est alors facilement acceptable que l’exécution forcée en nature puisse s’opérer. Mais parfois, l’exécution en nature n’est pas possible notamment en cas de perte ou de disparition de la chose objet de l’obligation [29]. Dans ce cas, le créancier peut réclamer l’exécution forcée par équivalent, ce qui correspond au paiement d’une somme d’argent équivalente à la valeur actuelle de la prestation due ou ce qui correspond à l’exécution en nature d’une prestation différente de celle initialement prévue. 

 

En revanche, si la demande d’exécution forcée en nature porte sur une obligation de faire ou de ne pas faire, une telle demande serait-elle admissible ? Autrement dit, peut-on contraindre physiquement une personne à faire une chose si elle refuse de s’exécuter ? Cette interrogation illustre l’opposition entre, d’une part, la force obligatoire du contrat et le respect de la parole donnée et d’autre part, la liberté individuelle de chaque personne. Le Code civil est silencieux sur cette question. Mais, nous pensons que l’interdiction totale de l’exécution forcée en nature d’une obligation de faire ou de ne pas faire semble exagérée. Ainsi, si l’exécution forcée en nature d’une prestation en rapport avec le corps ou la personnalité du débiteur n’était pas possible (par exemple, forcer un artiste à exercer son art), rien ne justifierait l’empêchement de contraindre le débiteur à exécuter une prestation qui n’est pas intimement liée à sa personne.

 

Dans tous les cas, le créancier ne devrait s’obstiner à obtenir une exécution forcée que si celle-ci lui présente encore un intérêt. Ainsi, il serait inutile de condamner un avocat, qui a oublié d’introduire un appel dans le délai, à respecter son obligation, car l’action est déjà prescrite. Il faut dans ce cas privilégier une demande des dommages et intérêts.

 

Parfois, même si l’exécution forcée en nature est possible et présente toujours des intérêts pour le créancier, le juge peut refuser une telle demande s’il constate que le créancier abuse de son droit. Par exemple, un vendeur s’engage à livrer une quantité importante de vin rouge de Prasat Phnom Banon d’un millésime spécifique, mais pour une raison quelconque, il n’en dispose plus. Il est possible, mais difficile pour le vendeur de se réapprovisionner. Le juge pourra alors ordonner l’exécution par équivalent en livrant d’autres vins de même qualité et de même valeur. D’ailleurs, bien que l’exécution forcée garantisse les intérêts du créancier, le recours à une telle sanction devrait être limité lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier[30]. À cet égard, l’analyse économique du droit et la théorie du solidarisme contractuel trouvent leur sens. Sur les plans pratique et économique, dans le silence du Code civil, nous préconisons également la faculté de remplacement en cas d’exécution forcée. C'est-à-dire que le créancier déçu devrait pouvoir faire exécuter lui-même la prestation due par le biais d’un tiers. Et il pourrait ensuite demander au débiteur le remboursement des frais engagés à cette fin.

 

 

Il convient enfin de souligner que l’article 396 du Code civil ne prévoit aucune condition relative au préjudice (contrairement au jeu de la responsabilité contractuelle), c'est-à-dire que le créancier peut exiger l’exécution forcée même s’il n’a subi aucun préjudice du fait de la violation du contrat. En effet, en cas de la réalisation des travaux sans autorisation du bailleur, un locataire peut être contraint à remettre en état des lieux loués même si le bailleur ne subit aucun préjudice (les travaux ont amélioré les lieux loués).

B - La stipulation d’une clause pénale comme moyen dissuasif de l’inexécution         d’une obligation

Le Code civil reconnaît la liberté contractuelle des contractants. Ainsi, en matière de la responsabilité contractuelle, rien ne fait obstacle aux parties d’aménager leur contrat en prévoyant les conséquences en cas d’inexécution en terme des dommages et intérêts. En effet, les parties peuvent prévoir une clause pénale au sens de l’article 403 du Code civil fixant par avance le montant de l’indemnité ou de pénalité en cas de l’inexécution d’une obligation par le débiteur. Une telle clause prévoit alors une sanction financière forfaitaire visant à réparer un préjudice futur, permettant d’éviter les difficultés relatives à l’évaluation du préjudice. Et surtout, elle présente un caractère dissuasif lorsque le montant de réparation fixé est particulièrement élevé. En effet, la clause pénale est un véritable arsenal contractuel destiné à assurer la bonne exécution du contrat.

 

À la différence des dommages et intérêts résultant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle traditionnelle, la clause pénale est applicable sans qu’il y ait lieu d’apprécier l’adéquation de la réparation au préjudice réel, ce en se basant sur la force obligatoire du contrat exigeant que la clause pénale soit appliquée telle quelle.

 

Puisque la clause pénale peut être très dangereuse pour l’une des parties, le Code civil accorde au juge un pouvoir de révision lorsque le montant de réparation prévu par le contrat est trop élevé ou trop dérisoire par rapport aux préjudices réellement subis [31]. Il peut être choquant que le créancier puisse retirer un bénéfice bien supérieur à son préjudice réel ou que la victime ne puisse obtenir une indemnisation juste. Nonobstant, cette intervention judiciaire remettant en cause le principe de l’intangibilité du contrat serait justifiée par la nécessité de garantir l’équilibre et l’équité contractuelle. Selon certains juristes français en évoquant les plus anciens, tel SALEILLES[32], « l’aspect pénal de la clause aurait pu expliquer que le juge dispose du pouvoir d’individualiser une peine, même civile » [33]. Bien que le juge joue un rôle garantissant la justice sociale, son intervention excessive dans les sphères contractuelles compromet l’efficacité et le caractère coercitif de la clause pénale.

 

Enfin, lorsqu’une clause pénale est stipulée, les contractants renoncent-ils le droit de recourir à d’autres solutions telles la résolution ou l’exécution forcée du contrat ? Nous préconisons que de la même manière que la mise en jeu de la responsabilité contractuelle, la stipulation d’une clause pénale ne prive pas de plein droit le créancier de son droit d’invoquer d’autres recours dès lors qu’ils sont compatibles. Ainsi, le créancier peut non seulement demander la résolution du contrat, mais aussi faire jouer la clause pénale pour obtenir les dommages et intérêts.

 

 

D’autres sanctions sont prévues par le Code civil.

II - Les sanctions n’incitant pas à l’exécution d’une obligation

Le créancier mécontent dispose également d’une autre panoplie de sanctions en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle : la sanction résolutoire (A) et la responsabilité contractuelle (B).

A - La sanction résolutoire du contrat

En cas d’inexécution d’une obligation contractuelle, le créancier peut opter pour la résolution du contrat (ការរំលាយកិច្ចសន្យា)[34].

 

La doctrine décline la résolution en deux catégories : résolution autorisée par la loi ou résolution légale (articles 407 à 413) et résolution autorisée par le contrat ou la clause résolutoire (article 414). Cet article 414 précise que les dispositions des articles 409 à 412 applicables à la résolution légale s’appliquent aussi à la résolution par clause résolutoire, mais il ne s’agit tout simplement que des règles supplétives, c’est dire qu’elles ne s’appliquent que si la clause résolutoire ne prévoit autrement.

 

1.      Les conditions de la résolution

 

 

Les dispositions particulières. S’agissant de la résolution légale, l’article 407 prévoit que l’une des parties au contrat synallagmatique peut résoudre immédiatement le contrat en cas de violation grave par l’autre partie. Constituent une violation grave :

-        l’inexécution par le débiteur après avoir été préalablement mis en demeure [35] afin de cesser l’infraction dans un délai raisonnable ;

-        l’exécution tardive d’une obligation dont le délai était déterminant pour le consentement du créancier ;

-        l’inexécution d’une obligation principale ou essentielle ;

-        le fait que la violation du contrat soit tellement excessive que l’on ne peut raisonnablement croire qu’il pourra être exécuté à l’avenir[36].

Dans ces hypothèses, le débiteur ne peut démontrer qu’il n’a commis aucune faute dans l’inexécution de son obligation, afin de faire obstacle à la résolution[37]. C’est dire qu’en cas d’une violation grave, le caractère fautif ou non du manquement par le débiteur est indifférent. La résolution est possible même si l’exécution des engagements de l’une des parties était empêchée par le fait d’un tiers ou la force majeure.

 

S’agissant de la résolution autorisée par le contrat, le contrat ne sera résolu que dans les conditions prévues par la clause résolutoire, sans que la gravité du manquement soit nécessairement caractérisée. Le contrat peut être simplement résolu de plein droit par le seul effet de la clause résolutoire. Si la clause résolutoire est efficace, elle peut être très dangereuse pour les contractants dans la mesure où l’une des parties peut faire jouer la sanction résolutoire qui peut se révéler disproportionnée par rapport à la gravité du manquement contractuel. Par exemple, le bailleur peut résilier le bail en cas de retard de paiement des loyers de quelques jours. D’où l’importance de bien préciser la nature ou le degré de la gravité du manquement qui peut entraîner la résolution du contrat. À défaut de précision sur la gravité du manquement, le juge éventuellement saisi ne pourra que constater la résolution résultant de la mise en œuvre de la clause résolutoire, sans pouvoir mesurer la gravité, et ce même s’il s’agit en réalité d’une faute très légère. Le recours au juge ne présente aucun avantage pour le créancier. 

 

Par ailleurs, ni l’article 414 ni les articles 409 à 412 n’exigent que le créancier somme le débiteur de s’exécuter avant la mise en application de la clause résolutoire. Ainsi, le créancier déçu peut, à n’importe quel moment dès lors que le manquement prévu existe, mettre en œuvre la clause résolutoire. Néanmoins, sur le fondement de la bonne foi contractuelle, la clause résolutoire ne doit pas être déloyalement ou frauduleusement utilisée par le créancier. Il serait difficile d’admettre le jeu de la clause résolutoire si le manquent du débiteur était du moins partiellement dû au comportement du créancier.

 

Les dispositions communes. La résolution du contrat suppose l’inexécution d’une obligation contractuelle. Il est important pour le juge et les parties de déterminer cette inexécution, à défaut de quoi la résolution ne sera pas fondée. Il est donc tout naturel d’examiner si le défaut ou la défaillance évoquée par l’une des parties relevait de l’une des obligations contractuelles prévues par le contrat. Il ne faut pas oublier que certaines obligations peuvent ne pas être expressément prévues dans le contrat, mais leur inexécution donnera lieu à résolution lorsque ces obligations sont imposées par la loi.

 

En cas de violation grave ou en application de la clause résolutoire, le créancier insatisfait peut constater par lui-même la résolution du contrat (résolution unilatérale) ou faire appel au juge pour la prononcer (résolution judiciaire)[38], en informant son débiteur de sa volonté de résoudre le contrat[39]. La résolution unilatérale ne nécessite aucun accord du débiteur. Néanmoins, le créancier le fait à ses risques et périls, c'est-à-dire que le débiteur peut invoquer devant le juge que la violation n’était pas suffisamment grave, ou contester le jeu de la clause résolutoire. Mais notons que la résolution du contrat peut aussi résulter d’un acte juridique conventionnel, c'est-à-dire l’accord des parties de constater une résolution amiable. Ceci résulte des dispositions de l’article 414, 2) : « même si le droit de résoudre le contrat n’est pas prévu dans le contrat, celui-ci peut être résolu par l’accord des parties […]». Puisque la résolution amiable s’effectue sans contrôle du juge, elle sera inopposable aux tiers si elle porte atteinte aux intérêts de ces derniers.

 

La volonté manifestée en vue de résoudre le contrat n’est pas rétractable, mais peut être assortie d’une ou des conditions suspensives[40]. Il semble que tant que la volonté de résoudre le contrat n’est pas parvenue au débiteur, elle peut être rétractée par son auteur à condition que la rétractation soit parvenue au débiteur avant l’arrivée de notification de résoudre le contrat.

 

 

2.      Les effets de la résolution

 

En principe, quel que soit le mode de résolution, les effets sont les mêmes. Ceux-ci sont régis par l’article 411. La résolution met fin au contrat, les parties n’étant plus liées contractuellement pour l’avenir. La résolution libère les parties de leurs obligations respectives, à l’exception de l’obligation de réparer le préjudice occasionné[41]. Mais quand la fin du contrat prendra-t-elle effet ? Il est regrettable que l’article 411 ne prévoie pas la date de prise d’effet de la résolution. Il nous semble logique que la résolution résultant de la clause résolutoire prenne effet à la date librement fixée par les parties. La résolution autorisée par la loi prendrait effet à la date où la manifestation de volonté de résoudre le contrat est parvenue au débiteur. La résolution judiciaire prendrait effet à la date fixée par le juge.

 

La question qui se pose est de savoir si la résolution du contrat entraîne un effet rétroactif à l’image de la nullité du contrat. Aux termes de l’article 411 du Code civil, on ignore si la résolution est rétroactive, mais le texte parle de la restitution. C’est dire les parties doivent se restituer les prestations partiellement ou totalement exécutées. Les parties retrouvent alors leur situation antérieure à la conclusion du contrat. Finalement, ne parlerait-on pas de la rétroactivité ? Nous tentons de répondre par la négative dans la mesure où lorsque l’on parle de la rétroactivité, on considère que le contrat n’a jamais existé. Ce qui est vrai pour un contrat nul, contrat qui n’a jamais existé. Or, un contrat résolu est un contrat qui existe bel et bien. Sa formation n’a pas été viciée, mais son exécution est défaillante.

 

Comment la restitution s’opère-t-elle ? Selon l’article 411, l’inexécution partielle ou totale remet en cause l’intégralité des prestations échangées en entraînant la restitution intégrale. Prenons l’exemple d’un contrat de location d’une voiture signé pour une durée de 10 mois. Pendant les 5 premiers mois, la voiture fonctionnait correctement. Mais, elle ne fonctionnait plus dès le début du sixième mois. Le locataire demande alors la résolution du contrat. Si restitution il y a, le locataire doit rendre la voiture au loueur. Celui-ci doit restituer la totalité du loyer perçu au locataire. Donc, c’est l’ensemble des périodes contractuelles qui sont remises en cause. Le Code civil ne fait pas la distinction entre la période durant laquelle l’obligation a été correctement et utilement exécutée (période 1) et celle durant laquelle l’obligation a été mal exécuté ou inexécutée (période 2). Ce qui est différent de la solution donnée par le Code civil français [42] dans le sens que lorsque les prestations échangées ont été utiles au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, la résolution pour inexécution ne donnera pas lieu à restitution pour la période 1. Seule la période 2 fera l’objet de restitution. Ainsi, selon le droit français, le locataire d’une voiture ne pourra pas réclamer remboursement des loyers versés pour la période 1.     

 

L’article 411, 3) vient préciser les modalités de restitution. Ainsi, la restitution des sommes d’argent doit prendre en compte les intérêts à compter de la réception de ces sommes d’argent. En revanche, cette disposition ne nous enseigne pas comment ces intérêts doivent être calculés. Le même article précise aussi que la restitution de la chose ou d’autres prestions doit prendre en compte des avantages obtenus de ladite chose ou desdites prestations. Les avantages obtenus pourraient correspondre à des avantages produits directement par la chose (une vache qui donne naissance à des veaux), ou des jouissances de la chose par l’une des parties (selon l’exemple ci-dessus, le locataire a pu utiliser la voiture pendant les 5 premiers mois). Néanmoins, lorsque la prestation porte sur un service, de quelle manière doit s’effectuer la restitution ? Sur le plan pratique, cette restitution ne peut se faire qu’en numéraire. Mais comment l’estimer financièrement ?

 

Que penser de ces règles de restitution ? Dans l’exemple du contrat de location d’une voiture cité ci-dessus, il nous paraît qu’elles ne sont pas efficaces. La restitution limitée aux prestations qui n’ont reçu aucune contrepartie depuis le jour de défaillance (le jour où la voiture ne fonctionne plus) semble plus opportune et plus simple à mettre en œuvre.

 

Notons également que la résolution du contrat ne doit pas porter atteinte aux intérêts légitimes des tiers[43].  Mais quand un intérêt est-il légitime ? Qui sont les tiers protégés ? Autant de questions qui nécessitent l’interprétation par les magistrats.

 

 

Si la résolution éteint le contrat, qu’en est-il de certaines clauses, notamment la clause du règlement des conflits, les clauses de confidentialité et de non-concurrence ? Doivent-elles s’éteindre en même temps que le contrat qui les contient ? Le Code civil n’a apporté aucune précision. Mais, ces clauses ont en principe vocation à survivre même après l’extinction du contrat.

B – La mise en jeu de la responsabilité contractuelle

 

  

L’article 398 du Code civil prévoit le droit du créancier déçu de demander réparation du préjudice résultant de l’inexécution d’une obligation. Il s’agit alors de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle qui se distingue, par l’origine contractuelle du dommage, de la responsabilité délictuelle relative aux dommages extérieurs à un contrat. Puisque la responsabilité contractuelle a pour objet la réparation du préjudice subi, elle se distingue alors de l’exécution forcée [44]. Pour les non-juristes, il faut comprendre aussi que la responsabilité contractuelle permettant d’obtenir les dommages et intérêts est une responsabilité civile et non pénale.

 

Il est important de remarquer que le Code civil n’exige aucune obligation de mise en demeure préalable avant de mettre en œuvre la responsabilité contractuelle, c'est-à-dire que le créancier peut à n’importe quel moment demander les dommages et intérêts sans avoir à rappeler préalablement à son débiteur l’existence d’une obligation et de lui donner l’ordre de s’exécuter[45].

 

La mise en jeu de la responsabilité contractuelle suppose la réunion d’un fait générateur (faute contractuelle) d’un préjudice et d’un lien de causalité entre le préjudice et le fait générateur.

 

La faute ou le manquement contractuel. La faute est une condition indispensable pouvant déclencher le jeu de la responsabilité contractuelle. Si l’inexécution d’une obligation n’émanait pas d’une faute du débiteur, le créancier insatisfait ne pourra obtenir cette réparation[46]. On peut penser alors au cas de l’inexécution causée par la faute du créancier lui-même ou par la force majeure ou le fait d’un tiers. Il est regrettable que le Code civil n’ait pas défini la notion de la force majeure. À titre d’exemple, nous citons l’article 1218 du Code civil français : « Il y a force majeure contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur […]». Par ailleurs, si le débiteur fait exécuter son obligation par une tierce personne appelée « tiers-assistant » qu’il désigne et contrôle, il doit répondre de l’inexécution par ce tiers-assistant en réparant le préjudice subi par le créancier. En revanche, le débiteur peut s’exonérer s’il rapporte la preuve qu’il n’a commis aucune faute dans la désignation et le contrôle du tiers-assistant et que ce dernier n’est pas fautif[47]. Il en résulte que le tiers-assistant devrait s’entendre comme toute personne devant être désignée et contrôlée par le débiteur pour exécution de son obligation, c’est notamment le cas des employés du débiteur. A contrario, un sous-traitant lié au débiteur par un contrat serait-il un tiers-assistant ? Par exemple, un constructeur peut déléguer une partie de ses obligations à des sous-traitants en vue d’effectuer des travaux de plomberie ou d’électricité. Si les sous-traitants sont choisis et ou imposés par le créancier lui-même, ils ne peuvent être considérés comme tiers-assistants du débiteur. Bien qu’ils pissent être désignés directement par le débiteur, les sous-traitants ne peuvent être considérés comme tiers-assistants dès lors qu’ils ne sont pas a priori contrôlés par le débiteur, car les sous-traitants sont indépendants. Néanmoins, la notion du contrôle peut faire l’objet des débats. Faudrait-il un pouvoir juridiquement établi pour exercer le contrôle ? Est-ce que le fait pour un sous-traitant d’intervenir dans le cadre d’une obligation du débiteur principal suffirait à caractériser le contrôle dès lors que le sous-traitant s’exécuterait sous les conditions et les modalités d’organisation imposées par le débiteur principal ?

 

Si l’on retenait que le débiteur n’est responsable que du préjudice causé par le tiers-assistant qu’il désigne et contrôle, cela veut dire que le constructeur ne sera pas responsable du préjudice causé par le sous-traitant au maître d’ouvrage (propriétaire). Dans cette hypothèse, le propriétaire ne pourra engager la responsabilité contractuelle de son cocontractant (constructeur). Il ne pourra qu’agir contre le sous-traitant sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, car le propriétaire et le sous-traitant ne sont liés par aucun contrat. La solution ne paraît pas totalement satisfaisante dans la mesure où le débiteur (constructeur) devrait assumer les conséquences des actes de toutes personnes qu’il fait intervenir dans l’exécution de sa propre prestation. Mais rien ne l’empêcherait de se retourner à son tour contre ces intervenants dans la limite du rapport de droit au titre duquel il les a fait intervenir.      

 

Nous nous intéressons ensuite à la question de la charge de la preuve de la faute ou du manquement. Sur le plan pratique, la charge de la preuve est importante, car une demande peut être rejetée parce que la preuve exacte n’était pas rapportée. Le Code civil n’a pas réglé cette question. Nous pourrions penser qu’il appartiendrait au demandeur (créancier) de prouver l’inexécution du débiteur. La difficulté de preuves peut varier selon la nature de l’obligation inexécutée. Par exemple, un médecin a une obligation de soigner un patient, et non une obligation de guérir. Dans cette hypothèse, le patient devrait prouver que le médecin n’a pas mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour apporter des soins pour éviter l’aggravation de son état de santé. Mais il ne pourrait prouver l’inexécution par l’absence du résultat attendu qui est la guérison.  En revanche, un transporteur routier a une obligation de transporter une marchandise d’un point A à un point B. Le créancier pourrait facilement prouver l’inexécution du transporteur en démontrant l’absence du résultat attendu qui est la livraison de la marchandise, sans être obligé de prouver que le transporteur n’a pas mis en œuvre des moyens nécessaires pour transporter la marchandise.

 

 

Le préjudice. Si la faute est une condition indispensable pouvant déclencher le jeu de la responsabilité contractuelle, l’absence du préjudice ne permet pas au créancier de fonder sa demande sur les articles 398 et suivants, contrairement à la responsabilité pénale qui peut être engagée même en l’absence d’un préjudice. Une faute contractuelle n’implique pas nécessairement l’existence d’un préjudice. Il appartient donc au créancier de prouver son préjudice. Ainsi, un acheteur non livré qui a pu se fournir ailleurs, immédiatement, à un prix moins cher ne subit aucun préjudice. Il ne peut donc obtenir aucune indemnisation.

 

La réparation du préjudice constitue une nouvelle obligation du débiteur, obligation qui n’est pas née de l’accord de la volonté des parties, mais de la loi. Ainsi, les dommages et intérêts seraient déterminés en fonction de la gravité du préjudice et non de la gravité de la faute commise par le débiteur.

 

L’article 400 précise la notion des préjudices réparables en cas d’inexécution d’une obligation. Ainsi, le créancier insatisfait peut demander réparation de la perte des avantages qu’il aurait obtenus si le contrat avait été correctement exécuté (on peut alors penser au manque à gagner). Par ailleurs, les contractants peuvent engager certains frais en vue de la conclusion du contrat ou en vue d’obtenir l’exécution de l’obligation recherchée. Ces frais devenant inutilement engagés [48] doivent être remboursés au créancier par le débiteur qui n’a pas exécuté l’obligation recherchée.

 

L’article 401 prévoit l’étendue de la réparation en cas de l’inexécution du contrat. Premièrement, l’article 401, a) prévoit que le débiteur doit réparer « les préjudices normalement subis » par le créancier. Mais quels sont lesdits préjudices normaux ? S’agit-il des préjudices résultant de la perte des avantages que le créancier aurait obtenus si le contrat avait été correctement exécuté, visés par l’article 400, 1° ? Dans l’affirmative, quelle serait l’intérêt de la disposition de l’article 401, a), si ce n’est que la répétition de la disposition de l’article 400, 1° ? Selon « les annotations explicatives des articles du Code civil » rédigées par le groupe du travail japonais et le Ministère cambodgien de la Justice, il semble que les préjudices visés par l’article 400, 1° sont ceux visés par l’article 401, a) [49].

 

L’article 401, b) exige également que le débiteur doive réparer « les préjudices résultant des circonstances particulières ou spéciales » subis par le créancier que l’on nomme « préjudices spéciaux ». Néanmoins, il impose une condition par laquelle les préjudices spéciaux devaient être prévisibles au moment de la conclusion du contrat. C’est dire que les préjudices spéciaux qui étaient imprévisibles pour les parties au moment de la conclusion du contrat ne donneront pas lieu à réparation en cas de l’inexécution contractuelle. De même, ces préjudices spéciaux ne donneront pas lieu à réparation, bien qu’ils soient prévisibles, si les parties au contrat n’avaient pas songé à la survenance des préjudices spéciaux au moment de la conclusion du contrat. Plus précisément, il faudrait comprendre par là que le créancier ne pourra pas demander réparation des préjudices spéciaux si les parties n’avaient pas réfléchi à prévenir les risques de la survenance des préjudices ou n’avait pas mis en place des moyens adéquats pour éviter la survenance des risques. Par exemple, un créancier n’a pas choisi une option plus élevée de la prestation du débiteur, car il ne voulait pas payer un prix supérieur. Dans ce cas, on pourrait penser que le créancier a accepté les risques. Par conséquent, cette acceptation des risques constitue une cause d’exonération du débiteur défaillant. Par ailleurs, si le débiteur n’exécute pas son obligation avec l’intention de nuire à l’autre partie ou par acte de déloyauté excessive, le créancier, même s’il n’a subi aucun préjudice, peut demander au juge la restitution des avantages que le débiteur aurait obtenus par son inexécution[50].

 

Si le débiteur doit réparer le préjudice causé par l’inexécution de son obligation, il peut en revanche invoquer la faute ou la négligence du créancier pour obtenir la réduction ou l’exonération de sa responsabilité[51]

 

La responsabilité contractuelle ou les dommages et intérêts ne constituent pas l’exécution par équivalent. Il serait inexact d’affirmer que la mise en jeu de la responsabilité contractuelle équivaut à l’exécution par équivalent du contrat. Ainsi, l’exécution par équivalent consiste à exécuter une obligation par paiement d’une somme d’argent à la place de fourniture d’un service ou de livraison d’un objet. La somme d’argent obtenu correspond à la prestation due. L’exécution par équivalent répare l’inexécution elle-même. Elle n’a pas pour fonction de réparer un préjudice consécutif d’une inexécution contrairement à l’octroi des dommages et intérêts. Par ailleurs, il serait impossible de considérer l’octroi des dommages et intérêts comme étant l’exécution par équivalent, car il n’y a pas tout simplement d’exécution.

 



[1] L’ancien droit vise le droit khmer appliqué avant le protectorat français du Cambodge.

[2] Meas SAEM « Introduction du droit moderne dans le royaume du Cambodge », Annales de faculté de droit et des sciences économiques de Phnom Penh, 1961, Volume III, p.284

[3] Meas SAEM « Introduction du droit moderne dans le royaume du Cambodge », Annales de faculté de droit et des sciences économiques de Phnom Penh, 1961, Volume III, p.286

[4] Marcel CLAIRON, Droit usuel : Notions essentielles de droit civil khmer, 1960 ( ?), Entreprise khmère de librairie d’imprimerie et de papeterie, Phnom Penh ( ?), p.11.

[5] Sok KHIN, « La khmérisation de l’enseignement et l’indépendance culturelle au Cambodge », Bulletin de l’école française d’extrême-orient, 1999, p.295

[6] Sok KHIN, ibid.

[7] Achille DAUPHIN-MEUNIER, Le Cambodge de Sihanouk, Nouvelle editions latines, p.83

[8] Pour savoir plus sur l’enseignement au Cambodge durant le protectorat français, voir Charles BILODEAU, « L’obligation scolaire au Cambodge », in L’obligation scolaire au Cambodge, au Laos et au Viêt-Nam, UNESCO, ED.54.V.12.F, 1954, pp.10 et s.

[9] Sok KHIN, « La khmérisation de l’enseignement et l’indépendance culturelle au Cambodge », Bulletin de l’école française d’extrême-orient, 1999, p.294

[10] Monichariya MONG, Kazuko TANAKA, « Drafting a new civil Code and Code of procedure in Cambodia with Japanese technical assistance », Revue de droit uniforme, 2002, p.1051

[11] Isabelle GIRAUDOU, « L’assistance juridique japonaise aux pays dits "émergents" d’Asie. Contribution à l’approche pluraliste de la circulation du droit », Transcontinentales, n°7, 2009, p.56

[12] Article 384, 1°.

[13] Si le délai d’exécution est précisément fixé, il est facile de constater l’exécution tardive. Selon l’article 391, si ce délai n’est pas précisément fixé, il y a l’exécution tardive quand le débiteur n’avait pas exécuté son obligation avant l’expiration du délai estimé par lui-même comme étant délai d’exécution de son obligation. On peut penser ici au délai raisonnable. En revanche, si le délai d’exécution n’a pas été tout simplement fixé dans le contrat, il y a exécution tardive tant que le débiteur n’exécute pas son obligation après avoir reçu la demande d’exécution de la part de son créancier.

[14] Article 389

[15] Nomi YOSHIHISA et al., Annotations explicatives des articles du Code civil : Livre 4, Ministère de la justice, ¨Phnom Penh, 2010, p.105

[16] Voir infra.

[17] Nomi YOSHIHISA et al., Annotations explicatives des articles du Code civil : Livre 4, Ministère de la justice, ¨Phnom Penh, 2010, p.105

[18] Ce cas de figure correspond à la théorie de l’imprévision connue en droit français, permettant de pérenniser le contrat en cas de difficulté économique par la modification ou révision judiciaire. À la lecture du Code civil cambodgien, aucune disposition n’a été consacrée à la révision judiciaire du contrat en raison de l’imprévision causée par changement de circonstances. L’article 311 définit le contrat comme « un acte par lequel deux ou plusieurs personnes s’accordent de créer, de modifier ou d’éteindre leurs obligations ». Il en résulte que les parties sont maîtresses de leur destin contractuel, et elles ne peuvent modifier leurs rapports contractuels que par le consentement mutuel, ce qui découle de la force obligatoire du contrat. Pourtant, si l’une des parties n’est pas d’accord, la modification est a priori impossible, et le contrat doit s’exécuter tel quel. Il n’y a donc pas d’obligation de réviser le contrat, et un cocontractant ne peut imposer la révision à l’autre, à défaut d’une permission légale. Or, la théorie de la bonne foi (art. 384 du Code civil cambodgien) pourrait-elle permettre à une partie de forcer l’autre à la révision si le droit de refuser une proposition de révision était abusivement exercé ? L’absence de la jurisprudence cambodgienne ne permet pas d’affirmer cette hypothèse. Par ailleurs, à défaut d’une disposition légale ou jurisprudentielle, le juge n’a pas de pouvoir, au respect de la force obligatoire du contrat, de le modifier. Mais, pourrait-il inciter au moins les parties à réviser ou renégocier leur contrat sur une base équitable et loyale ?

[19] Voir article 394

[20] Dans certains cas, le créancier peut être obligé, avant de pouvoir véritablement mettre en œuvre une sanction, d’observer une clause de conciliation, de négociation ou de consultation préalable, avec ou sans l’assistance d’un tiers expert, en vue éventuellement de trouver une solution ou remède amiable au problème d’inexécution. Dès lors, le juge saisi sera amené à vérifier si l’application d’une telle clause a été respectée. En cas de non-respect, il sera fondé à prononcer une fin de non-recevoir de l’action engagée par le contractant déçu. Il faut bien comprendre que la clause de conciliation préalable ne garantit aucune entente entre les protagonistes, mais les incitent simplement à mettre en place tous les moyens nécessaires pour essayer de trouver un accord avec bonne foi. Le créancier insatisfait qui ose prononcer une sanction privée en rompant unilatéralement le contrat en cause sans avoir observé la clause de conciliation préalable aura tord.

 

Si la validité d’une clause de conciliation préalable ne pose aucune difficulté dans les rapports contractuels entre des professionnels aguerris, la question qui se pose est de savoir si elle est valable entre un professionnel et un consommateur. Ce dernier peut prétendre que ladite clause fait obstacle à l’exercice de son droit fondamental qui est de recourir au juge. Cette clause emporterait-elle l’adhésion des juges cambodgiens ? Nous pourrions considérer que l’obstacle l’action en justice n’est que temporaire, car le consommateur pourra bien évidemment saisir le juge après l’échec de la mise en œuvre de la clause de conciliation. Nul ne peut le forcer à accepter une solution proposée ne correspondant pas à ces attentes légitimes. Dans cette perspective, il semble que la clause de conciliation préalable puisse pleinement jouir d’une place dans les relations entre consommateur et professionnel.

[21] Voir article 390

[22] Article 396

[23] Article 385, 2).

[24] Sur ce point, l’article 1220 du Code civil français impose que les conséquences de cette inexécution soient suffisamment graves. Ce qui écarte l’hypothèse de crainte d’inexécution mineure ou marginale.

[25] Pour en savoir plus, BELLIVIER et SEFTON-GREEN, « Force obligatoire et exécution en nature du contrat, en droit français et anglais : bonnes et mauvaises surprises du comparatisme », in Mélange Ghestin, 2001, LGDJ, p.91

[26] En ce sens, la jurisprudence française donne une réponse positive (voir Civ. 3e, 27 mars 2013, obs. Gaëtan GUERLIN, L’essentiel Droit des contrats, mai 2015, n°5, p.5).

[27] Nomi YOSHIHISA et al., Annotations explicatives des articles du Code civil : Livre 4, Ministère de la justice, ¨Phnom Penh, 2010, p.109

[28] Selon certaine conception (en droit français), il est inconcevable de dire qu’il existe une obligation de transférer la propriété, car l’effet translatif résulte du contrat lui-même. C'est-à-dire la propriété est transférée du vendeur à l’acheteur non pas parce que le vendeur en a une obligation, mais par la force obligatoire du contrat.

[29] Voir article 396

[30] Voir en ce sens, l’article 1221 du Code civil français

[31] Article 403, 3.

[32] Raymond SALEILLES, Étude sur la théorie générale de l’obligation d’après le premier projet de code civil pour l’Empire allemand, 3e éd., Paris, 1925, LGDJ.

[33] Sébastien PIMONT, « La clause pénale », in Répertoire de droit civil, Dalloz, juin 2016, §3.

[34] Il convient de ne pas confondre la résolution(ការរំលាយកិច្ចសន្យា) et la nullité (ការលុបកិច្ចសន្យា). La résolution trouve ses causes en phase d’exécution du contrat, tandis que la nullité trouve ses causes au stade de la formation du contrat.

[35] Les modalités de mise en demeure ne sont pas précisées. Il peut alors penser qu’elle peut se faire par tous moyens.

[36] Article 408, 1.

[37] Article 408, 2.

[38] Article 409

[39] Article 409, 1).

[40] Par exemple, un vendeur peut notifier à l’acheteur la résolution du contrat si celui-ci ne paye pas dans le délai de 3 jours. Si l’acheteur ne paye pas dans ce délai, la résolution devient effective.

[41] Article 411, 1)

[42] Article 1229 du Code civil français, issu de l’art. 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016

[43] Article 411, 4)

[44] Voir supra

[45] L’article 851 du Code civil de 1920 exigeait l’obligation de mise en demeure.

[46] Article 398, 1°

[47] Article 398, 2)

[48] Dans la version originale, l’article 400, 1) du Code civil cambodgien emploie maladroitement l’expression « dépenses inutiles ». Or, en réalité, ces dépenses étaient utilement engagées par les contractants. Mais elles deviennent inutiles à partir du moment où l’obligation recherchée ou attendue n’est pas exécutée.

[49] Nomi YOSHIHISA et al., Annotations explicatives des articles du Code civil : Livre 4, Ministère de la justice, ¨Phnom Penh, 2010, p.116

[50] Article 401, c)

[51] Article 402